Tiers Lieux Libres et Open Source

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Le mouvement Tilios vise à porter la culture du logiciel libre pour penser et agir dans les Tiers-Lieux et penser et agir sur l’infrastructure nécessaire aux Tiers Lieux, qu’elle soit numérique ou non numérique. Il explore les atouts et limites de cette culture du libre appliquée à des lieux, et se confronte à d’autres cultures (architecturale, artistique, d’éducation populaire, économique, etc…) dans le but de mieux faire tiers-lieux.

La communauté TILIOS dans le mouvement Tiers Lieux[modifier | modifier le wikicode]

Ce qui suit est dérivé d'un article (sous licence CC-BY-NC-SA) co-écrit par Yoann Duriaux (co-fondateur de la communauté TILIOS) et Sylvia Fredriksson (designer, La MYNE, Oxamyne), en mai 2018 pour un numéro de l 'Observatoire, la revue des politiques culturelles.

Depuis 2012, le réseau Tiers Lieux Libres et Open Source (TiLiOS) se développe en France comme amortisseur social en creux des transformations de la société, accélérées notamment par les technologies de l’information et de la communication. Promesses auxquelles travaillent des aventuriers d’une nouvelle forme de partage, les Tiers Lieux Libres et Open Source portent l’héritage du tournant des années 2000, où l’Internet utopique[1] a laissé place aux dynamiques collaboratives bâtisseuses d’un socle de communs de la connaissance : licences juridiques d’ouverture (General Public Licence pour les logiciels, 1989 ; Licences Creative Commons, 2002), Wikipédia (2001), Open Street Map (2007), mobilisations sur la neutralité de l’Internet, le droit à l’information et sur la propriété intellectuelle (SOPA, ACTA).

Au sortir de la première ère de la l’économie du partage , la notion de tiers-lieu, généralisée et popularisée, donne à voir un paysage recouvrant des réalités multiples et antagonistes. Le tiers-lieu porte, dans son code génétique, ces ambivalences : issu de la contre-culture, il recouvre également certains traits caractéristiques des modèles de prédilection de la société créative. À l’épreuve du Nouvel esprit du capitalisme[2] ou d’un système hégémonique qui moule, digère et intègre la critique à son fonctionnement, le tiers-lieu n’est plus un processus social mais devient stratégie : que va-t-il se passer lorsque nos élus locaux et dirigeants français auront transformé toutes les anciennes gares, casernes et bâtiments militaires, anciennes friches industrielles et autres bâtiments en dits « tiers-lieux » avec les (derniers) fonds européens ? Qui aura donc les moyens de les amortir ? Qui aura les compétences et les ressources de les faire vivre ? Et pour quelle(s) finalité(s)… quelles libertés ?

Pris dans cette ambivalence, le réseau TiLiOS réaffirme une culture technique critique et agit en vue de la consolidation des conditions d’une réflexivité entre pairs, à un niveau individuel comme à l’échelle de la sphère collective. Il œuvre à la possibilité d’un questionnement éthique tant sur les pratiques que sur les manières de pratiquer. Cet article vise à restituer quelques-unes de ces pistes de réflexion amenées par TiLiOS sur les politiques culturelles, par la description et l’analyse des expériences déployées par la POC Foundation, ainsi que par les tiers-lieux OpenFactory à Saint-Étienne, La Myne à Lyon et La maison Jules Verne à Aurec-sur-Loire.

Habitabilité des (tiers) espaces[modifier | modifier le wikicode]

Les Tiers Lieux Libres et Open Source sont vécus comme un processus social. Des entités individuées se rassemblent et œuvrent à la construction de représentations communes[3]. Si tout fait social a une dimension spatiale, le tiers-lieu construit, à la fois en réaction aux effets des technologies et à partir de celles-ci, un milieu de vie. Il façonne et structure l’architecture de nouveaux rapports sociaux et économiques. Le tiers-lieu est pensé, selon un principe de transposition culturelle et technique de l'univers des logiciels libres et open source, en tant que distribution, sur le modèle GNU/Linux. Son code source est ouvert et documenté sur le portail Movilab[4] qui constitue le patrimoine informationnel commun de l’ensemble des contributeurs du réseau. L’ensemble de ces ressources, assemblées sur les pages wiki, peuvent aboutir à un produit, un service, un événement, sur un principe de fork (qui consiste à détourner un code existant en lui faisant prendre une autre direction que celle initialement prévue).

Le numérique est vécu dans sa « dimension écologique », c’est-à-dire en tant qu’environnement où les « effets d’interaction, de continuum et d’enveloppement configurent un milieu de vie. Milieu technique, celui-ci est surtout un “milieu associé” qui se modifie à mesure qu’il est habité. Cette pensée du numérique appelle un art de cohabiter et de coévoluer »[5] . Cette cohabitation s’incarne dans les pratiques informationnelles et communicationnelles qui forment ce qu’Emmanuel Belin, puis Louise Merzeau, nomment des « dispositifs bienveillants » pour « distinguer les environnements techniques socialement tolérants de ceux qui bloquent l’intégration de l’innovation dans un habitus »[6].

Le tiers-lieu crée un environnement habitable en soutenant l’organisation de contenus. Il articule un environnement culturel stabilisé avec un environnement toujours actualisé. Il apparaît comme l’un des endroits de la réconciliation entre espace documentaire et espace social, au sein d’une double dynamique d’ordonnancement et de négociation. Face à l’entropie provoquée par la standardisation, l’élimination de la diversité et la destruction des savoirs, le tiers-lieu, plutôt que d’instituer, s’ouvre à chaque usage et à chaque écriture en tant que forme de vie.

Le réseau TiLiOS a vu le jour en 2010 comme réceptacle d’altérité, il agit pour produire de la singularité et de la différenciation : « En faisant cohabiter localement des mondes différents et parfois contradictoires, le tiers-lieu enclenche un processus de rééquilibrage sur le territoire (territoire institué ou territoire projet). Il provoque un dialogue et des frictions, là où l’expertise clôt la discussion. Il invite à prendre possession, à faire évoluer, à explorer et à appliquer des solutions sur des problématiques jusqu’alors balisées. Qu’il soit question de gestion, de création, de production, de culture, de consommation, d’éducation, de famille, d’objets et de choses, il suggère une démarche de réappropriation de certains mécanismes sociaux. La démocratisation des technologies numériques a banalisé ce genre d’intervention. Elles trouvent dans les tiers-lieux un prolongement tangible. Ils en ont le même potentiel transformationnel, créatif, voire transgressif. C’est pour cette raison que le tiers-lieu est tiers. Non pas à cause d’une position d’entre deux, mais parce qu’il ouvre sur de nouveaux champs. » [7]

Marque collective de certification[modifier | modifier le wikicode]

En 2017, l’exposition L’Expérience Tiers-Lieux – Fork The World !, présentée lors de la Biennale internationale du Design de Saint-Étienne, est le fruit d’un processus de seize mois de travail et d’un co-commissariat structuré par le réseau TiLiOS autour d’une gouvernance de compétence nommée World Trust Foundation. Ce processus consacre le tiers-lieu comme un cadre de conception collective. Des individus hétérogènes, en se rassemblant, se mettent en capacité de prendre la mesure de ce que produit le collectif. La raison d’être du tiers-lieu tient à son potentiel régulateur : « L’important n’est pas de savoir s’il y a émergence mais si ce qui émerge est bon pour nous. »

Pour permettre à ce cadre de confiance de se réaliser, alors qu’il se redéfinit et s’actualise en permanence, la POC Foundation[8] propose la création d’une marque collective de certification pour le réseau TiLiOS incarnant un référentiel commun, destinée à favoriser la coopération entre les acteurs du réseau, à protéger la diversité issue de la culture tiers-lieux, mais aussi à faciliter la compréhension critique des évolutions sociales, techniques économiques qui traversent les lieux.

Il s’agit de bâtir une grille de lecture pour caractériser chaque tiers-lieu, articulée autour de 5 propriétés définies dans le cadre de sessions collégiales de travail regroupant les protagonistes du réseau TiLiOS en 2017. Ces propriétés structurent l’agrégation des individus par les tiers-lieux :

  1. Configuration sociale
  2. Patrimoine commun
  3. Libre appropriation
  4. Émancipation et (en)capacitation
  5. Résilience et modularité.


La marque collective de certification pour les tiers-lieux répond à plusieurs enjeux :

- Consolider un langage commun et des logiques de reconnaissance entre acteurs, premiers jalons d’un cadre de confiance, de réciprocité ;

- Protéger les auteurs des créations et des services qui naissent dans les tiers-lieux ;

- Prévenir des phénomènes d’enclosure sur le capital informationnel commun autour duquel s’agrège la communauté.

Droits culturels et faire commun·s [modifier | modifier le wikicode]

À partir de cette grille de critères, le principe d’évaluation des tiers-lieux est pensé comme un processus entre pairs. Il nous semble alors pertinent de rapprocher cette démarche d’une approche des communs par les droits culturels, tels que définis par la Déclaration de Fribourg.

En encourageant, d’une part, le renforcement des forces internes à l’individu et, d’autre part, la reconnaissance par une habilitation par autrui (processus entre pairs), la proposition de la POC Foundation induit un processus de développement des capacitations, qui suppose l’épanouissement par une socialisation réussie dans la reconnaissance des diversités de milieux sociaux et culturels. Dans le cadre de ses travaux sur l’innovation sociale[9], Geneviève Fontaine propose des critères additionnels aux 8 critères caractérisant les communs tels qu’ils ont été formulés par Elinor Ostrom[10]. Ces critères s’articulent autour de l’aspiration sociale au développement équitable des capabilités, en tant que moteur de l’action collective. Par la marque collective de certification TiLiOS, POC Foundation pourrait contribuer à donner corps au concept de communs de capabilité (ressource sociale), formulé par Geneviève Fontaine.

En prototypant des formes de sociabilité inédites ancrées dans des imaginaires techniques issus de la culture du libre, le réseau des Tiers Lieux Libres et Open Source, contribue, depuis 2010, à former des matrices narratives[11] originales qui viennent occuper les espaces laissés vacants par des politiques ambiguës ou relevant de ce que certains qualifient de « populisme de marché[12] » . Pensé dans sa dimension écologique, le numérique y est mobilisé dans un effort de réappropriation communautaire tourné vers les droits culturels et les communs.

AbeillePollen32px.png Page liée : Refaire le monde en tiers-lieu (Article) - Etude de la configuration en Tiers-Lieu - La repolitisation par le service (Thèse)

Le mouvement TILIOS[modifier | modifier le wikicode]



Cette présentation a été conçu en juillet 2018 pour la facilitateur de Tiers Lieux de Bordeaux, décliné pour les rencontres du réseau Relier à Lodève et amélioré pour l'université du Le Wip "lieux infinis" à Venise. Vous êtes donc libre de l'utiliser, l'étudier, la modifier et la (re)diffuser.

Pour aller plus loin[modifier | modifier le wikicode]


Mouvement des Tiers lieux qui se pensent comme des communs avec ses pratiques (à affiner) :

  • Ouverture (au plus grand nombre)
  • Modèle ouvert (gouvernance partagée et contribution possible)
  • Modèle partagé (production de ses ressources sous forme de communs : foncier sous forme de commun, infrastructure logicielle et de connaissance libre, structure juridique plutôt coopérative ou associative)
  • Modèle partageable (documentation active)
  • Réponse au territoire (ancré territorialement)

Nicolas Loubet : "TILIOS comme mouvement, cela reste pour moi - à  l’épreuve de l’expérience - ce qui a le plus de sens. Frugal, juste et pertinent."

Le monde du logiciel a eu à inventer le concept de "logiciel libre" pour continuer à porter le logiciel tel qu'il était à ses origines, (comme un commun, à code ouvert et partagé). Les tiers-lieux, pour qu'ils permettent d'"éviter la guerre" ont aussi besoin d'être construits selon une configuration sociale permettant l'ouverture et le partage du tiers-lieu. En s'inspirant de cette culture du libre, qui a su s'imposer dans le monde du logiciel par rapport au monde propriétaire, le mouvement TILIOS est né, pour soutenir l'émergence des tiers-lieux comme communs.

Les TILIOS[modifier | modifier le wikicode]

Ils font partie des lieux se considérant Tiers-Lieux Libres et Open Source :

Pour s'ajouter, ajouter Tilios comme réseau d'appartenance sur votre fiche sur Movilab.

Comment savoir si l'on est un Tilios ?[modifier | modifier le wikicode]

Contractualisation Tilios.png En projet : Marque collective de certification Tilios

Pour les lieux : A creuser. Peut-être via un sytème d'analyse Tilios et le doc suis je un tiers lieux

Echanger entre Tilios[modifier | modifier le wikicode]

Je suis Tilios :[modifier | modifier le wikicode]

Démocratie au sein du mouvement Tilios :[modifier | modifier le wikicode]

Modèle plutôt stigmergique.

Mais certains choix du collectif Tilios peuvent nécessiter de prendre une direction particulière qui nécessite une prise de décision collectivement validée :

  • Prise de décision par consentement et si il y a blocage de la part de certains Tilios, passage au vote avec majorité 2/3 (sur framavox ?) avec prise en compte des votes des membres actifs seulement pour le calcul.
    • Qui est membre actif : Tiers lieux (personnes ou lieux ?) répondant à la définition Tilios et ayant contribuer en temps x heures minimum au mouvement ou contribué en financement x € minimum

Finances du réseau[modifier | modifier le wikicode]

TILIOS peut recevoir des dons via la POC. Retrouvez sur la page les premiers soutiens financiers.

L'association POC est la première structure à se dédier au soutien du mouvement TILIOS

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. F. Turner, Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand un homme d’influence, trad. de l’anglais par L. Vannini, Caen, C&F Éd., 2012, 432 p.
  2. È. Chiapello, L. Boltanski, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, NRF-Essais, 1999.
  3. A. Burret, Étude de la configuration en Tiers-Lieu : la repolitisation par le service, Thèse en Sociologie, Université de Lyon, 2017.
  4. Voir http://www.movilab.org
  5. L. Merzeau, « De la bibliothèque à l’Internet : la matrice réticulaire », in T. Boccon-Gibod, C. Ion et É. Mougenot (dir.), Robert Damien, du lecteur à l’électeur. Bibliothèque, démocratie et autorité, Presses de l’Enssib, BnF Éditions, 2017.
  6. L. Merzeau, « Éditorialisation collaborative d’un événement », in Communication et organisation [En ligne], 43/2013, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 14 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.or/communicationorganisation/4158.
  7. Manifeste des Tiers Lieux Libres et Open Source. Voir http://movilab.org/index.php?title=Le_manifeste_des_Tiers_Lieux
  8. Voir http://movilab.org/index.php?title=La_POC_Foundation
  9. G. Fontaine, Les conditions d’émergence de communs porteurs de transformation sociale. Des émergences à la reconnaissance, trajectoires d’innovation, Apr 2017, Montréal, Canada, 2017. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01539864v2/document
  10. E. Ostrom, trad. É. Laurent, « Par-delà les marchés et les États, la gouvernance polycentrique des systèmes économiques complexes », in Revue de l'OFCE / Débats et politiques, 120 (2011), p. 16-72. https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/120/r120-2.pdf
  11. F. Huguet, « Le déploiement des réseaux communautaires sans fil (MESH) », Netcom [en ligne], 31-1/2 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 29 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/netcom/2612 ; DOI : 10.4000/netcom.2612
  12. E. Morozov, « Résister à l’ubérisation du monde », Le Monde diplomatique, mis en ligne en septembre 2015, consulté le 14 décembre 2017. URL : https://www.monde-diplomatique.fr/2015/09/MOROZOV/53676

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