Synthèse des ateliers « soutenir l’investissement dans les tiers-lieux »

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Compte rendu d'un atelier de travail en avril 2022 dans le cadre d'une dynamique animée par l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires à partir de fin 2021.

Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Ce travail, initié par les équipes du programme Nouveaux lieux, nouveaux liens, s’inscrit dans une réflexion stratégique de l’ANCT sur l’accès au foncier pour les tiers-lieux. Il a pour objectif d’alimenter les réflexions du ministère de la cohésion des territoires en matière de soutien aux tiers-lieux, afin de fournir des réponses aux différentes problématiques relatives à l’accès au foncier et à la pérennisation des projets.

Ce travail fait également suite à l’expérimentation conduite par l’ANCT en 2021. Le programme « nouveaux lieux nouveaux liens » a piloté un fonds expérimental de soutien à l’investissement qui a permis de financer acquisitions et travaux pour deux fabriques de territoire sélectionnées, à hauteur d’environ 300 000 euros chacune.

L’ANCT a souhaité privilégier la co-construction avec les acteurs et a tenu à ce que l’ensemble des travaux s’inscrivent en lien direct avec les travaux en cours au sein de l’écosystème des tiers-lieux. La démarche s’est ainsi appuyée sur les travaux entamés par le groupe de travail « Foncier » du Conseil National des Tiers-Lieux, animé par l’association France Tiers-Lieux, et les ateliers ont été utilement nourris permis des réflexions et expertises des membres de ce groupe de travail.

Trois ateliers de réflexion ont été organisés entre janvier et mars 2022. Voici la liste des participants :

  • Membres du groupe de travail « Foncier » du CNTL :
    • Fanny COTTET et Pierre CHICOISNE, Plateau Urbain
    • Laurent COUROUBLE, Compagnie des Tiers-Lieux (réseau Hauts de France)
    • Vincent JAUSSEAUD, Base commune
    • Alexandre Born, foncière Belleville
    • Nicolas DETRIE, Yes we Camp
    • Raphael Boutin, Villages vivants
    • Juliette BOMPOINT et M. Mayeul BEAUDET, SCIC La Main
    • Julie DAVISO, ETIC
    • Rémy SEILLIER, France Tiers-Lieux
  • Banque des territoires : Audrey CHARLUET et Philippe LEGRIS
  • SGAR Auvergne-Rhône-Alpes : Priscille EBRARD, CM Numérique
  • ANRU : Fabrice Amic, ANRU

Réflexions et propositions[modifier | modifier le wikicode]

En trois séances, le groupe a travaillé sur les problématiques foncières des tiers-lieux et les moyens d’y répondre. Une synthèse de ces travaux est présentée ci-dessous.

A l’issue de ce travail, l’ANCT retiendra 3 priorités en matière de soutien à l’investissement dans les tiers-lieux, qu’elle intégrera à la feuille de route du programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens ».

Par ailleurs, une partie des propositions issues de ces travaux viendra utilement nourrir la mission interministérielle en cours de réalisation par le Président de France Tiers-Lieux, Patrick Lévy-Waitz, et qui donnera lieu à la remise d’un rapport au prochain Premier Ministre, afin de renforcer l’efficacité et la cohérence des politiques publiques de soutien aux tiers-lieux.

Résumé des priorités identifiées :

  • Préciser les modalités de mise en place d’un fonds de soutien à l’investissement dans les tiers-lieux pour en faire la proposition au prochain gouvernement
  • Expérimenter un dispositif de caractérisation des tiers-lieux
  • Construire et déployer un module de formation à destination des élus et collectivités

Qualification du/des problèmes en lien avec le foncier et l’investissement[modifier | modifier le wikicode]

Nous observons des initiatives civiles dans des lieux, pour fabriquer des espaces communs, qui tentent de répondre aux besoins observés, soit d’une communauté précise, soit d’un territoire. Ces initiatives peinent à s’inscrire dans la durée.

Les valeurs de marché de l’immobilier sont le frein principal à la pérennisation de ces lieux, qui ne dégagent pas de marge suffisante pour payer un loyer à prix de marché ou pour acquérir l’espace occupé. S’ils ne dégagent pas de marge suffisante, c’est parce qu’une partie des efforts productifs est consacrée à des activités non ou trop peu rémunératrices, des activités d’intérêt collectif ou d’intérêt général.

L’une des premières questions posées est donc : comment prendre en compte d’autres valeurs que la valeur économique ? Quel système de valeurs peut justifier de soutenir les tiers-lieux ? Cette question est en lien avec la caractérisation et l’évaluation de l’impact. La preuve de l’utilité sociale des tiers-lieux dans la durée reste à faire, alors même que certains bénéficient parfois et à certains endroits d’une confiance ab initio.

D’autres causes de la fragilité liée au foncier ont été relevées :

  • Une précarité liée aux décideurs politiques et aux changements qui ont des temporalités différentes de celle des projets
  • Un paradigme actuel qui consiste à occuper un lieu, donc à adapter les activités au lieu : il serait possible d’inverser la logique
  • Le problème de temps : temps court du porteur et temps long de l’immobilier
  • Le manque d’ingénierie et de soutien : la gestion du foncier est une activité chronophage, qui concentre parfois l’attention des équipes au détriment de nouveaux projets (et activités d’utilité sociale) au sein de leur tiers-lieu.

La question de l’équité territoriale a également été soulevée lors de nos échanges. Il existe une grande disparité entre les territoires, plus ou moins acculturés et avancés en matière de tiers-lieux.

Les solutions proposées[modifier | modifier le wikicode]

Le plaidoyer et la sensibilisation[modifier | modifier le wikicode]

Créer des espaces communs est relativement nouveau et bouscule des visions ancrées, parfois traduites dans la réglementation, qui sont autant de freins au déploiement et à la consolidation économique de ces espaces. Il a donc été proposé de travailler à l’acculturation des institutions publiques, des collectivités territoriales et des services de l’Etat, par exemple en construisant des outils et ressources, en développant des dispositifs de sensibilisation et de formation. Avec pour objectif de :

  • Faire évoluer la vision de la propriété : une propriété inoccupée est une charge et pas une richesse ; la propriété et l’usage peuvent être deux choses différentes ; 
  • Mettre le lieu au centre : l’espace est une ressource commune, comment utiliser ce levier pour encourager les projets citoyens d’aménagement du territoire ?

En complément, il a été proposé de travailler à sensibiliser les personnes qui sont interpellées au quotidien par ces questions : les agents des domaines ; la banque des territoires ; les commissions de sécurité (SDIS) ; les agents instructeurs dans les services d’urbanisme…

Les évolutions législatives et réglementaires[modifier | modifier le wikicode]

Plusieurs pistes nécessitant des évolutions législatives et réglementaires – plus ou moins ambitieuses – ont été identifiées. Celles-ci devront nourrir les réflexions sur les politiques tiers-lieux, à commencer par la Mission interministérielle confiée au Président de France Tiers-Lieux.

 En voici une liste :

  • Sur le modèle de la loi SRU : consacrer 20% du foncier d’un territoire dans les nouveaux projets à des activités économiques / impact social, de proximité (sur le modèle de la loi SRU) ; ou dédier 25% du foncier vacant à des activités économiques de proximité
  • Appliquer le bail réel solidaire aux tiers-lieux ; destination spécifique aux tiers-lieux dans les permis de construire
  • Rendre possible la mobilisation et décote du foncier public pour les tiers-lieux à l’instar du logement social
  • Intégrer dans les missions des bailleurs sociaux le portage de projets de tiers-lieux
  • Expérimenter les fiducies d’utilité sociale : un propriétaire transfère son bien dans une fiducie  à un mandataire qui a obligation d’utiliser  le bien à destination sociale
  • Bonification pour l’épargne solidaire à destination des tiers-lieux => aide de l’Etat (défiscalisation par exemple) pour inciter à cette épargne-là
  • Créer par la loi des organismes fonciers solidaires pour les tiers-lieux  et mobiliser les établissements publics fonciers locaux
  • Identifier les tiers-lieux à lucrativité limitée : renforcer les obligations et incitations à certifications sociales et démocratiques ; créer un statut de super ESUS (plus contraignant et très à cheval sur la lucrativité limitée)

==== L’aide à l’acquisition et à l’accès au foncier ==== 

  • Créer une/des foncières ou soutenir les foncières existantes
    • Foncière nationale qui possède les lieux (organisme foncier solidaire pour les tiers-lieux)

OU

    • Foncières régionales ou autres

OU

    • Aider les lieux à arriver à une forme de propriété : fonds propres ; prêts à long terme ; garanties bancaires ; prêts à taux négatifs
  • Lancer des défis et/ou des expérimentations : par exemple « Le foncier disponible en bon état libéré en 48h » : le foncier disponible de l’Etat, lorsqu’il est en bon état, pourrait être mis à disposition des tiers-lieux. A travers une mise à disposition anticipée et gracieuse d’un bâtiment de l’Etat désaffecté, et par l’intermédiaire d’une circulaire qui permet d’identifier les fonciers publics vacants (Etat+collectivités+hopitaux) adossée à une agence chargée de la gestion de l’immobilier publique.

L’ingénierie et la montée en compétence[modifier | modifier le wikicode]

  • Créer des aides dédiées au montage et à la pérennisation des projets, articulées autour d’une plateforme qui accompagne la montée en compétence et fournit un appui à la gestion des lieux ;  
  • Poursuivre et élargir les aides financières à la gestion des lieux, par exemple en accordant des subventions en lien avec plusieurs facteurs (taille du lieu, production de valeur, territoire fragile…), en distinguant émergence et pérennisation

Trois pistes ont été approfondies et peuvent donner lieu à de premières mises en œuvre[modifier | modifier le wikicode]

Comment caractériser les lieux ?[modifier | modifier le wikicode]

La question travaillée est celle de la définition des tiers-lieux, en lien étroit avec l’évaluation de leur production. Cette question est valable sous deux conditions :

  • Il y a un besoin de co-financement Etat pour les tiers-lieux
  • Les besoins ne sont pas homogènes en fonction de plusieurs critères qu’il s’agit justement de préciser (taille du lieu, territoire, activités d’utilité sociale, degré d’ouverture du tiers-lieu, participation à l’entretien de communs, services d’intérêt général…)

Une proposition détaillée a été travaillée par Nicolas Detrie, proposant un soutien avec par exemple une base de 50€ par m2, puis une décote ou surcote en fonction du territoire et du niveau d’engagement (selon un indice d’engagement).

Comment déterminer le niveau d’engagement ? Un triptyque a été identifié : une autoévaluation des tiers-lieux ; une évaluation par les pairs en groupe (sur le modèle de l’évaluation des chercheurs publication etc. ou des systèmes participatifs de garantie) et une instance transverse. Exemples d’informations qui pourraient constituer l’indice syncrétique : mutualisation, mixité, etc….

Un autre critère pourrait être « l’inventivité dans la diversification des ressources » ou un taux d’effort de la diversification des recettes.

Une alternative pourrait être également d’étudier la simplification des contrats à impact social et leur accessibilité aux collectivités pour financer les tiers-lieux.

Plusieurs questions ont été soulevées :

  • Cette caractérisation entraîne-t-elle mécaniquement la transformation des tiers-lieux en service public ?
  • Comment critériser sans être normatif et entrainer une homogénéisation des tiers-lieux, à rebours de leur plus-value actuelle ?
  • Comment imposer de l’évaluation aux lieux alors qu’on n’évalue pas les politiques publiques ?
  • Serait-ce un financement d’amorçage ou un financement pérenne ?
  • Les collectivités devraient-elles être les porteuses ?
  • Suite donnée à cette proposition : une expérimentation de cette proposition auprès d’un panel de tiers-lieux est à l’étude. Une caractérisation et/ou une évaluation des tiers-lieux ne peut se faire qu’avec les tiers-lieux eux-mêmes. Si un principe de co-évaluation Etat / Tiers-lieux pourrait être mis en place, il est essentiel que les critères et les instances de régulation de ces critères soient construits par l’association nationale des tiers-lieux et les réseaux de tiers-lieux.

L’accès au foncier et l’investissement[modifier | modifier le wikicode]

Les besoins sont très bien identifiés et récurrents. Un travail en cours avec la métropole de Lille permet d’objectiver ces besoins, notamment pour les projets dont les besoins financiers se situent entre 200K et 1M. Il n’existe pas d’outils pour cette taille de projets.

Plusieurs types d’outils d’intervention ont été évoqués :

  • Intervenir sur les fonds propres
  • Intervenir sur la subvention – cruciale pour la période d’émergence (N+3 et N+4)
  • Garanties publiques pour les prêts : compléter les 50% manquants et garanties de loyer impayés. Imaginer un accès aux prêts de long terme
  • Incitations fiscales pour les investisseurs citoyens (comme la défiscalisation des dons) ; supprimer la taxe foncière ;

A été évoquée la création d’un fonds national de soutien, avec des directions régionales qui pourraient instruire les projets (évaluation pair à pair) et seraient dotées d’un volet ingénierie.

Ce fonds pourrait prévoir de soutenir deux types d’acteurs :

  • Investir dans les foncières solidaires pour avoir un effet levier (exemple de la banque avec les foncières de commerce)
  • Financer directement les projets

La banque des territoires, la BPI, les fonds 90/10 (qui cherchent des produits stables et ont peu de candidats), régions et EPCI pourraient venir abonder ce fonds.

D’autres exemples ont été évoqués :

  • Le fonds de garantie à adhésion régionale crée par la caisse des dépôts pour les résidences sociales et étudiants ;
  • L’IFCIC : fonds de garantie pour les industries culturelles

Ce fonds doit avoir une mission d’accompagnement des projets.

Sensibiliser les acteurs[modifier | modifier le wikicode]

Pour répondre au besoin d’acculturation identifié, des actions et des publics ont été identifiés pour modifier les regards et les pratiques. L’objectif est de sensibiliser sur l’accès au foncier (propriétaires) et l’usage du foncier (mixité des activités : réglementation).

Les publics cibles seraient : usagers et contributeurs des lieux ; services instructeurs des collectivités ; SDIS et plus largement bailleurs sociaux, collectivités…

Plusieurs types de sensibilisation pourraient être conduites :

  • Sensibiliser à la mixité d’usages et aux particularités en matière de sécurité
  • Sensibiliser aux outils nouveaux (comme les prêts de garantie qui existent mais pas connus de tous)
  • Sensibiliser aux méthodes de travail : le facteur humain

Des actions et des collectifs existent déjà, conduits par la banque des territoires, France Tiers-Lieux, l’ANCT : webinaires, Communauté d’acteurs publics, Guide à destination des collectivités, MOOC, partenariats avec le CNFPT, académie des territoires…

Il est possible de s’appuyer sur ces communautés existantes.

  • Suite donnée à cette proposition : Construire et déployer un module de formation à destination des élus et collectivités, qui pourrait être présenté lors du séminaire du Groupe de Travail « Foncier » organisé par France Tiers-Lieux au second semestre 2022.

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